Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours été attachée aux horaires, jamais en retard, souvent à attendre les autre. Je ne remets pas à plus tard les tâches pénibles. Cette petite discipline me permet de moins souffrir des contraintes, contrairement à ce qu'on pourrait croire.
Dans le boulot, ça se traduit ainsi: j'arrive tôt le matin... et je repars encore plus tôt le soir. Quoi qu'il arrive. J'ai vire remarqué que ça rendait fou mon boss, et éberluait les collègues. Je brosse un peu le tableau: la PME avec des contrats aux 35h, où il y a tellement de boulot qu'on pourrait y passer le double sans même le remarquer. Et évidemment, les gars tellement formatés par l'importance de la carrière dans leur vie qu'ils ne comptent pas leurs heures; et s'ils s'en plaignent parfois, jamais ils n'oseraient partir plus tôt, sauf peut-être le vendredi.
Imaginez les nouveaux embauchés dans cette ambiance... Un peu jeunes et inexpérimentés, ils auront vite fait de trouver ça normal. Et à 20h ils seront chez eux avec un bon stick et une pizza. Tout fiers de gagner leur croûte. SAUF QUE. Moi je suis un peu bébête, j'ai lu mon contrat, et j'ai bien vu 35h écrit dedans. (Combien l'ont lu?) Rapide calcul... 7 heures par jour; si j'arrive à 8h30, avec 1h30 de pause, ça me fait... 17heures pour la débauche. Tranquille.
Je vois d'ici les ricaneurs, un petit rappel s'impose. Quand on signe un contrat entre deux parties, c'est bien pour le respecter, n'est-ce pas? Il n'est pas plus acceptable de faire 50h au lieu de 35 que d'en faire 20 au lieu de 35. Je me loue, tu me payes, tope là. Tout le monde suit?
Je me répète ça en boucle, histoire de me motiver. Inutile de préciser qu'à 17 heures, dans la boîte, on a presque l'impression d'être le matin. Ca sonne toutes les minutes. Ca urge. C'est bouillant. A 17h30 je me force, je me lève avec mes affaires – regards incrédules – lance bien fort « à demain » et sprinte de joie dans le couloir. J'ai OSE partir seulement une demi heure en retard!!!A l'arrêt de bus, quelques têtes bientôt familières me saluent.
Tous les jours la même scène se reproduit, avec l'impression de claquer la porte au nez des autres, 17h30.
Je m'y tiens, je m'y accroche de tous mes ongles, je bosse très dur pour y arriver. Me répète que je suis dans mon droit pour combattre la culpabilité latente et la peur d'être congédiée – je suis en CDD.
Je m'y tiens, je m'y accroche de tous mes ongles, je bosse très dur pour y arriver. Me répète que je suis dans mon droit pour combattre la culpabilité latente et la peur d'être congédiée – je suis en CDD.
Heureusement, dans le bus, je ne suis pas seule.
Le jour où le boss me présente un CDI, il sait me mettre en confiance.
« - On est très contents de toi. On t'a préparé un CDI avec un augmentation. Mais en échange, ce serait bien que tu t'investisses plus, au niveau des horaires, tu vois.
-Oui, oui, bien sûr ! »
Je signe. Je flippe. Je lis, c'est toujours le même régime.
Le soir même, je suis partie à 17h30 avec l'impression de sécher des cours, de désobéir, avec mauvaise conscience, très mal en point. Plusieurs fois je pense en rigolant que j'aurais peut-être moins de tourment en finissant à pas d'heure.
Je ne suis jamais partie au-delà de cette barrière fatidique des 17h30, sauf exception justifiée.
Mon boss a bien fini par s'en accommoder. Peut-être l'aurait-il plus mal pris, venant d'un homme; le sexisme m'a servie. Je fais maintenant partie des meubles, et certains nouveaux m'ont même suivie. Ne croyez pas pour autant que la boîte en souffre, au contraire! Je dirais, moins de lambinage, plus d'efficacité. On n'a pas que ça à foutre. Les vannes des jaloux à la machine à café ont fini par se fatiguer devant la constance du clan des part-tôt.
Récemment, à 4 mois de grossesse, j'ai même décidé un beau matin de faire réellement mes 35h. Partir à 17h. Chez moi à 17h30, avec rien d'autre à faire qu'arroser mes tomates. Vous imaginez la belle vie? Eh bien, y'a qu'à!
Dame, quelle héroïne!
Héroïne en CDI