La retraite, c’est un des côtés obscènes du capitalisme. Tu dois travailler toute ta vie à t’en abîmer, t’en blesser, t’en user et quand tu es usé, plus bon à produire pour les profits des actionnaires ou du patron, tu passes à la réforme. Toute ta vie de travailleur, tu penses à ta retraite, comme la récompense à ta soumission. Pour ça, on te file un peu d’argent pour crever en silence. Si tu es ouvrier, tu meurs très vite et tu n’auras pas coûté grand-chose à la « société » comme ils disent. Tu n’auras pas coûté beaucoup non plus avant, avec tes salaires de misère, la précarité, le chômage et les gosses que tu n’auras pas vu grandir... Les actionnaires, eux, se seront bien gavés sur ton dos maintenant cassé. Pas le temps de construire le garage de tes rêves, à côté de ta maison qui t’as tenu en otage pendant trente ans de crédits. Et trente ans de crédits, ça crée des liens.
Si tu étais chef, petit ou grand, tu as quelques années de vie en rab’ pour profiter du camping- car. Mais tu es déjà vieux et ça ne se rattrape pas le temps perdu derrière un bureau à commander, décider pour les autres, «manager», licencier, embaucher, terroriser parfois... La retraite, c’est ta récompense ultime pour avoir survécu à 60 ou 65 ans – maintenant 62 ou 67- de vie de merde.
Mais d’après les syndicats, 60 ans de vie de merde, c’est supportable : c’est ce qu’ils réclament d’ailleurs dans leurs tracts et à la télévision. C’est vrai qu’ils ne t’ont pas demandé ton avis…
Et en plus, ta retraite est calculée sur ton salaire antérieur, après des calculs savants qui sont fait pour que tu n’y comprennes rien. Une aumône calculée sur ton salaire, c’est la hiérarchie salariale jusqu’au tombeau ! Obscénité du capitalisme pour qui tu ne seras jamais qu’une variable économique à bien gérer, qui devra coûter le minimum. Horreur du salariat qui te relègue au-delà d’une vie entière passée à te préparer à travailler durant l’enfance, qui te pompes la vie au travail, au chômage ou dans la misère les 42 ans qui suivent, et qui finit avec une retraite de misère. Ta dignité d’humain toujours bafouée.
Mais tes syndicats ne veulent pas remettre en cause la hiérarchie des salaires, le salariat lui- même. Non, ils veulent seulement que tu votes pour eux, dans ta boîte, que tu votes pour eux pour élire tes juges, que tu descendes dans la rue, mais pas trop, juste quand ils te le demandent.
Alors, il ne reste que toi pour arracher à ce système la reconnaissance de ta dignité. Et comme tu ne pourras l’obtenir seul, il faudra bien qu’un jour avec d’autres travailleurs comme toi, comme moi, nous nous levions pour exiger ce qui nous revient de droit : la propriété de nos vies, l’organisation de notre travail en fonction des possibilités de chacun et la satisfaction des besoins de tous.
En finir avec l’obscénité.
V.