Hier, je suis tombée, au gré des référents de mon blog (le mien perso, pas celui ci), sur celui ci.
J'ai furieusement envie de réagir, j'y peux rien, je suis comme ça, je ne peux pas rester muette
Le travail (attention je parle du travail salarié tel qu'on le subit aujourd'hui), qu'il soit le plus cool du monde, intéressant, pas mal payé, est une souffrance, eh oui, désolée d'insister.
Vous connaissez beaucoup de gens qui ont envie -je dis bien envie- de travailler tous les jours pendant 8 heures pendant des mois, des années, des décennies, sur un rythme imposé, même s'il n'est pas le leur ? Vous connaissez beaucoup de gens qui n'ont jamais jamais jamais marre de ce rythme là ?
Le travail, qu'on nous impose, qu'il soit obligatoire, qu'on nous dit inhérent à la nature de l'homme, qu'il occupe autant que place dans sa courte vie, qu'il soit générateur d'angoisses, ça ne vous a jamais traversé l'esprit ?
J'aime mon travail, il est intéressant, je m'organise toute seule, mais en ce moment j'ai furieusement envie de l'envoyer chier, ce cher travail, parce qu'il est éprouvant, mal payé, que je n'ai pas droit aux pauses, parce que j'en ai ras le bol d'entendre que "j'aime mon travail" pour me faire avaler n'importe quoi. J'en ai marre parce que justement, c'est un travail, et que le travail salit tout. Si les gens avaient le choix, vous croyez vraiment qu'ils travailleraient autant ? Oui, vous allez me dire, y'a des gens qui aiment tellement leur boulot qu'ils y passent la totalité de leur existence.
J'appelle ça une maladie, la fuite, la peur de vivre, l'angoisse.
Je dis ça parce que il y a fort à parier que la minette qui a écrit ce texte ne s'est jamais posé l'once de l'ombre de question vis à vis du travail (mais bon, il y a un bon espoir que ça change, semble t-il). Et surtout, surtout, que ces questions même si elles ne la touchent pas (pas encore, j'attends de voir) directement, elle se permet de les éluder, de les ignorer par son insupportable "mais enfin, c'est si simple d'être heureux !". Effectivement, c'est très simple : il suffit d'être égoïste, et de ne penser qu'à sa prochaine promotion (promotion ! Une faible augmentation quémandée au triste sire qui vous tient par les cordons de la bourse, pour laquelle vous avez envie de vous jeter au cou de votre généreux employeur qui n'a pas à demander à qui que ce soit de vivre mieux, lui : il se sert directement dans votre poche).
[Dangereux raisonnement, où "ne pas être malheureux" revient à dire "être heureux". J'ai déjà parlé plusieurs fois, de l'argument ultime qu'on nous balance à la gueule "y'a pire ailleurs" pour nous faire ravaler notre légitime colère, et je l'entends encore, et encore, et encore. Pour que les gens ne se demandent pas une seule fois si il n'y a pas mieux ailleurs, et si ce n'est pas le cas, s'il n'est pas possible de le créer ? Sommes nous condamnés à répéter encore et encore des schémas déjà vécus, usés, voués à l'échec ?]
Je ne comprends vraiment pas que certaines personnes n'aient pas ne serait-ce qu'une once d'empathie, ce truc simplement humain. Qu'elle ne s'intéresse pas aux retraites, grand bien lui fasse. Mais franchement, le jour où elle viendra pleurer son ras le bol, qu'elle arrivera à 55 ans, que son cher patron se montrera une fois de plus "sévère mais juste" et la virera comme une malpropre, là, elle trouvera ça dégueulasse, injuste, immonde. Quand elle ira pointer au pôle emploi, qu'on lui renverra son âge, son inutilité, qu'on l'a culpabilisera si elle ne se culpabilise pas toute seule, et qu'elle devra faire les ménages chez des vieilles bourges puantes et dédaigneuses, qu'elle mangera des boites saucisses-lentilles discount à tous les repas, là peut-être qu'elle se posera enfin la question de l'utilité de tout ça, mais il sera trop tard. En attendant, mademoiselle batifole dans les champs du travail insouciant à la botte d'un patron pas trop méchant-pas trop cool non plus c'est trop top même si elle a une obole en guise de salaire (putain s'est-elle seulement demandé combien gagnait son cher patron ?) et ça me donne envie de gerber...
Pour finir, laissez moi citer ce cher Émile Pouget, qui écrit dans "Le sabotage" :
"La vérité, c'est que, de même qu'il y a deux classes dans la société, il y a aussi deux morales - celle des capitalistes et celle des prolétaires.
La morale naturelle ou zoologique, écrit Max Nordau, déclarerait que le repos est le mérite suprême, et ne donnerait à l'homme le travail comme désirable et glorieux qu’autant que ce travail est indispensable à son existence matérielle. Mais les exploiteurs n'y trouvent pas leur compte. Leur intérêt, en effet, réclame que la masse travaille plus qu'il n'est nécessaire pour elle, et produise plus que son propre usage ne l'exige. C'est qu’ils veulent précisément s'emparer du surplus de production ; à cet effet, ils ont supprimé la morale naturelle et en ont inventé une autre, qu'ils ont fait établir par leurs philosophes, vanter par leurs prédicateurs, chanter par leurs poètes : morale d'après laquelle l'oisiveté serait la source de tous les vices, et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus...
Il est inutile d'observer que cette morale est à l'usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n'ayant garde de s’y soumettre : l'oisiveté n'est vice que chez les pauvres.
C'est au nom des prescriptions de cette morale spéciale que les ouvriers doivent trimer dur et sans trêve au profit de leurs patrons et que tout relâchement de leur part, dans l'effort de production, tout ce qui tend à réduire le bénéfice escompté par l'exploiteur, est qualifié d'action immorale.
Par contre, c'est toujours en excipant de cette morale de classe que sont glorifiés le dévouement aux intérêts patronaux, l’'assiduité aux besognes les plus fastidieuses et les moins rémunératrices, les scrupules niais qui créent "l'honnête ouvrier", en un mot toutes les chaînes idéologiques et sentimentales qui rivent le salarié au carcan du capital, mieux et plus sûrement que des maillons de fer forgé.
Pour compléter l'œuvre d'asservissement, il est fait appel à la vanité humaine: toutes les qualités du bon esclave sont exaltées, magnifiées et on a même imaginé de distribuer des récompenses - la médaille du travail ! - aux ouvriers-caniches qui se sont distingués par la souplesse de leur épine dorsale, leur esprit de résignation et leur fidélité au maître.
De cette morale scélérate la classe ouvrière est donc saturée jusqu'à profusion. "
Et pour ceux qui vont encore me dire que je mène des combats d'arrière garde, lisez bien ce texte, lisez le avec grande attention. Il a beau dater de la fin du 19ème, je ne l'ai jamais trouvé autant d'actualité, en fait il ne s'est jamais démodé et c'est déprimant. Il est urgent de se demander pourquoi on travaille.
[edit] je tiens à préciser tout de même que je ne m'attaque pas à l'auteur du texte dont je parle ici, je l'en sers juste pour rebondir et causer d'un sujet qui me passionne. Loin de moi l'idée de faire du prosélytisme ou d'essayer de convaincre qui que ce soit. Je crois que c'est un sujet qu'on doit mûrir tout seul. Je n'ai pas de solution, comme on me demande à chaque fois. D'ailleurs je ne sais pas si vous avez remarqué mais y'a que aux gens qui envisagent qu'une autre voie est possible qu'on demande quoi précisément, en tentant de les coincer. On ne demande jamais au système tel qu'il est comment il va faire pour ne pas se prendre le mur dans lequel il fonce à très grande vitesse.... Je ne suis pas économiste, ni sociologue, ni philosophe. J'essaie de réfléchir dans mon petit coin et pourquoi pas de discuter. Quand aux solutions, cherchez un peu sur internet ou dans des bouquins, faites preuve d'un tout petit peu de curiosité, parce que ce genre de chose, si vous ne cheminez pas vous même pour trouver des débuts de solutions, et qu'on vous les sert soutes cuites dans le bec, n'auront aucune espèce de saveur ni de réelle consistance. Le cheminement pour trouver ces solutions passe par des penseurs, une histoire, et si on vous amène directement à la conclusion, vous ne saurez pas pourquoi vous devriez adhérer à ce genre de solution, vous n'auriez pas suivi l'histoire de ces idées.]
Tanxxx
J'ai furieusement envie de réagir, j'y peux rien, je suis comme ça, je ne peux pas rester muette
Le travail (attention je parle du travail salarié tel qu'on le subit aujourd'hui), qu'il soit le plus cool du monde, intéressant, pas mal payé, est une souffrance, eh oui, désolée d'insister.
Vous connaissez beaucoup de gens qui ont envie -je dis bien envie- de travailler tous les jours pendant 8 heures pendant des mois, des années, des décennies, sur un rythme imposé, même s'il n'est pas le leur ? Vous connaissez beaucoup de gens qui n'ont jamais jamais jamais marre de ce rythme là ?
Le travail, qu'on nous impose, qu'il soit obligatoire, qu'on nous dit inhérent à la nature de l'homme, qu'il occupe autant que place dans sa courte vie, qu'il soit générateur d'angoisses, ça ne vous a jamais traversé l'esprit ?
J'aime mon travail, il est intéressant, je m'organise toute seule, mais en ce moment j'ai furieusement envie de l'envoyer chier, ce cher travail, parce qu'il est éprouvant, mal payé, que je n'ai pas droit aux pauses, parce que j'en ai ras le bol d'entendre que "j'aime mon travail" pour me faire avaler n'importe quoi. J'en ai marre parce que justement, c'est un travail, et que le travail salit tout. Si les gens avaient le choix, vous croyez vraiment qu'ils travailleraient autant ? Oui, vous allez me dire, y'a des gens qui aiment tellement leur boulot qu'ils y passent la totalité de leur existence.
J'appelle ça une maladie, la fuite, la peur de vivre, l'angoisse.
Je dis ça parce que il y a fort à parier que la minette qui a écrit ce texte ne s'est jamais posé l'once de l'ombre de question vis à vis du travail (mais bon, il y a un bon espoir que ça change, semble t-il). Et surtout, surtout, que ces questions même si elles ne la touchent pas (pas encore, j'attends de voir) directement, elle se permet de les éluder, de les ignorer par son insupportable "mais enfin, c'est si simple d'être heureux !". Effectivement, c'est très simple : il suffit d'être égoïste, et de ne penser qu'à sa prochaine promotion (promotion ! Une faible augmentation quémandée au triste sire qui vous tient par les cordons de la bourse, pour laquelle vous avez envie de vous jeter au cou de votre généreux employeur qui n'a pas à demander à qui que ce soit de vivre mieux, lui : il se sert directement dans votre poche).
[Dangereux raisonnement, où "ne pas être malheureux" revient à dire "être heureux". J'ai déjà parlé plusieurs fois, de l'argument ultime qu'on nous balance à la gueule "y'a pire ailleurs" pour nous faire ravaler notre légitime colère, et je l'entends encore, et encore, et encore. Pour que les gens ne se demandent pas une seule fois si il n'y a pas mieux ailleurs, et si ce n'est pas le cas, s'il n'est pas possible de le créer ? Sommes nous condamnés à répéter encore et encore des schémas déjà vécus, usés, voués à l'échec ?]
Je ne comprends vraiment pas que certaines personnes n'aient pas ne serait-ce qu'une once d'empathie, ce truc simplement humain. Qu'elle ne s'intéresse pas aux retraites, grand bien lui fasse. Mais franchement, le jour où elle viendra pleurer son ras le bol, qu'elle arrivera à 55 ans, que son cher patron se montrera une fois de plus "sévère mais juste" et la virera comme une malpropre, là, elle trouvera ça dégueulasse, injuste, immonde. Quand elle ira pointer au pôle emploi, qu'on lui renverra son âge, son inutilité, qu'on l'a culpabilisera si elle ne se culpabilise pas toute seule, et qu'elle devra faire les ménages chez des vieilles bourges puantes et dédaigneuses, qu'elle mangera des boites saucisses-lentilles discount à tous les repas, là peut-être qu'elle se posera enfin la question de l'utilité de tout ça, mais il sera trop tard. En attendant, mademoiselle batifole dans les champs du travail insouciant à la botte d'un patron pas trop méchant-pas trop cool non plus c'est trop top même si elle a une obole en guise de salaire (putain s'est-elle seulement demandé combien gagnait son cher patron ?) et ça me donne envie de gerber...
Pour finir, laissez moi citer ce cher Émile Pouget, qui écrit dans "Le sabotage" :
"La vérité, c'est que, de même qu'il y a deux classes dans la société, il y a aussi deux morales - celle des capitalistes et celle des prolétaires.
La morale naturelle ou zoologique, écrit Max Nordau, déclarerait que le repos est le mérite suprême, et ne donnerait à l'homme le travail comme désirable et glorieux qu’autant que ce travail est indispensable à son existence matérielle. Mais les exploiteurs n'y trouvent pas leur compte. Leur intérêt, en effet, réclame que la masse travaille plus qu'il n'est nécessaire pour elle, et produise plus que son propre usage ne l'exige. C'est qu’ils veulent précisément s'emparer du surplus de production ; à cet effet, ils ont supprimé la morale naturelle et en ont inventé une autre, qu'ils ont fait établir par leurs philosophes, vanter par leurs prédicateurs, chanter par leurs poètes : morale d'après laquelle l'oisiveté serait la source de tous les vices, et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus...
Il est inutile d'observer que cette morale est à l'usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n'ayant garde de s’y soumettre : l'oisiveté n'est vice que chez les pauvres.
C'est au nom des prescriptions de cette morale spéciale que les ouvriers doivent trimer dur et sans trêve au profit de leurs patrons et que tout relâchement de leur part, dans l'effort de production, tout ce qui tend à réduire le bénéfice escompté par l'exploiteur, est qualifié d'action immorale.
Par contre, c'est toujours en excipant de cette morale de classe que sont glorifiés le dévouement aux intérêts patronaux, l’'assiduité aux besognes les plus fastidieuses et les moins rémunératrices, les scrupules niais qui créent "l'honnête ouvrier", en un mot toutes les chaînes idéologiques et sentimentales qui rivent le salarié au carcan du capital, mieux et plus sûrement que des maillons de fer forgé.
Pour compléter l'œuvre d'asservissement, il est fait appel à la vanité humaine: toutes les qualités du bon esclave sont exaltées, magnifiées et on a même imaginé de distribuer des récompenses - la médaille du travail ! - aux ouvriers-caniches qui se sont distingués par la souplesse de leur épine dorsale, leur esprit de résignation et leur fidélité au maître.
De cette morale scélérate la classe ouvrière est donc saturée jusqu'à profusion. "
Et pour ceux qui vont encore me dire que je mène des combats d'arrière garde, lisez bien ce texte, lisez le avec grande attention. Il a beau dater de la fin du 19ème, je ne l'ai jamais trouvé autant d'actualité, en fait il ne s'est jamais démodé et c'est déprimant. Il est urgent de se demander pourquoi on travaille.
[edit] je tiens à préciser tout de même que je ne m'attaque pas à l'auteur du texte dont je parle ici, je l'en sers juste pour rebondir et causer d'un sujet qui me passionne. Loin de moi l'idée de faire du prosélytisme ou d'essayer de convaincre qui que ce soit. Je crois que c'est un sujet qu'on doit mûrir tout seul. Je n'ai pas de solution, comme on me demande à chaque fois. D'ailleurs je ne sais pas si vous avez remarqué mais y'a que aux gens qui envisagent qu'une autre voie est possible qu'on demande quoi précisément, en tentant de les coincer. On ne demande jamais au système tel qu'il est comment il va faire pour ne pas se prendre le mur dans lequel il fonce à très grande vitesse.... Je ne suis pas économiste, ni sociologue, ni philosophe. J'essaie de réfléchir dans mon petit coin et pourquoi pas de discuter. Quand aux solutions, cherchez un peu sur internet ou dans des bouquins, faites preuve d'un tout petit peu de curiosité, parce que ce genre de chose, si vous ne cheminez pas vous même pour trouver des débuts de solutions, et qu'on vous les sert soutes cuites dans le bec, n'auront aucune espèce de saveur ni de réelle consistance. Le cheminement pour trouver ces solutions passe par des penseurs, une histoire, et si on vous amène directement à la conclusion, vous ne saurez pas pourquoi vous devriez adhérer à ce genre de solution, vous n'auriez pas suivi l'histoire de ces idées.]
Tanxxx