mercredi 18 août 2010

La maison qui rend fou

On sait tous que les méandres administratives peuvent finir par rendre fous. Je comprends pourquoi il y a tant de personnes agressives au troisième guichet, ou à la troisième réunion ou au énième coup de fil. J’en ai pris conscience il y a peu. Enfin on va revenir un peu dans le passé.
Au 22 février, je ressors du bureau du responsable. J’ai en main la date de fin de contrat. Au 22 mars, je suis sans emploi. La crise économique n’épargne pas les petites boutiques ou bien est-ce la mauvaise gestion de mon pote-patron, ou les deux… toujours est-il que je vais devenir chômeuse.
C’est dur mais c’est aussi ça, la vie… y parait.
Connaissant la date, je me suis innocemment dit que ce serait assez intelligent de lancer les démarches administratives en commençant par me préenregistrer auprès du Pôle Emploi. Comme ça, je serai déjà dans leur base de données, j’aurai réuni les papiers nécessaires et au 23 mars, hop tout se déclenche. Même maintenant, je me dis que ça doit être faisable.
J’arrive au Pôle Emploi de ma ville, sourire collé au visage. C’est aussi ça, la vie. Faut pas en vouloir aux employés si ma situation va changer. J’attends sagement à l’accueil. Au bout de 20 minutes, l’employée m’explique qu’il faut que je téléphone au Pôle Emploi. Le téléphone est derrière moi. Je téléphone au Pôle Emploi dans le Pôle Emploi. L’hôtesse d’accueil est payée pour nous dire « téléphonez derrière »
Je n’échappe pas à la boite vocale. Tout est sous boite vocale maintenant. Pour obtenir une voix humaine, il faut s’armer de patience et généralement, la voix humaine est encore plus désagréable que la voix robotisée. Pardon de déranger dans votre travail qui est de répondre au téléphone. « Madame, il faut nous rappeler le lendemain de la fin de votre préavis » C’est ça aussi, la vie. Des gens fatigués de leur boulot et qui nous le font savoir.
Bon…super. J’ai réuni un certain nombres de papiers en attendant.
Au 23 mars, coup de fil. Trois jours plus tard, convocation. Photocopies, dossier rempli. Au 30 mars, j’arrive sourire fixée. C’est ça aussi, la vie. On attend.
« Il vous manque des documents. C’est marqué ici ! Faut lire le dossier » Ah le truc en tout petit là ? Ah oui effectivement ça saute aux yeux
Je retourne auprès de mon ancien employeur pour avoir CE fameux papier. Pôle Emploi c’est pas plus simple pour les employeurs finalement. Après deux heures de recherche pour comprendre quel formulaire remplir et comment le compléter, on préfère téléphoner. Trois coups de fils plus tard au PE, ¾ d’heures de boite vocales, 4 services plus tard, on obtient quelqu’un qui nous donne une explication en 5 minutes chrono. On recommence sur le site. Elle nous a donné de mauvaises explications. En fait, c’est un papier que les Assedic remplissaient avant. C’est aussi ça la vie, on a des choses qu’on n’arrive pas à comprendre.
Deux jours plus tard, je reviens avec tout ce qu’il faut. Les papiers sont pris à l’accueil. Une semaine plus tard, je reçois de nouveau mon dossier dans ma boite aux lettres. Il manque un papier de mon ancien ancien employeur. C’est là que ça devient en plus rigolo et grandguignolesque. Mon ancien ancien employeur c’est le rectorat, l’État quoi. Deux administrations à bouger.
Je leur envoie un mail. Pas de réponse. Je les appelle plusieurs fois dans la semaine. Aucune réponse. C’est aussi ça la vie, on tombe sur du vide. Je regarde le calendrier : c’est les vacances scolaires. Tout s’explique. Le rectorat est en fait une école…
A la fin des vacances, je reçois le papier. Je redonne mon dossier. Ça fait déjà un mois que je suis au chômage et je ne perçois toujours rien et je ne suis toujours pas inscrite. Une semaine plus tard, trois courriers du PE : un pour dire qu’il faut les recontacter d’urgence, le deuxième pour me dire de les recontacter d’urgence, le troisième pour me dire qu’ils rejettent mon dossier car, après calcul des reliquats des droits que doit me verser le Rectorat et celui de mes droits que doit me verser PE, ben c’est au Rectorat de le faire. C’est pas clair. Ça m’a fait la même. C’est aussi ça la vie, on se bat contre plus fort que soi.
Je retourne au PE car, moi, je veux bien envoyer mon dossier au Rectorat mais il faut me le redonner…
Courrier, retour, courrier, téléphone. Le Rectorat me réclame un papier de rejet du PE. Je vais sur le site qui rame et qui plante du PE. J’imprime le courrier. C’est le même que celui déjà envoyé au Rectorat. C’est pas le bon. Ce n’est pas EXPLICITEMENT écrit « Rectorat » sur le courrier alors ça peut-être un autre employeur. C’est ça aussi la vie, on se sent débile.
Pendant plus d’un mois, j’ai le Rectorat qui me demandait un papier que le PE ne me fournissait pas. Le Rectorat a donc décidé (enfin !) de contacter leur correspondant au PE pour avoir le document. Il me semble que d’après le PE, je n’aurai fait aucune demande et que je suis inscrite chez eux.
Au final, j’ai galéré pendant trois mois. Je perçois maintenant moitié moins que mon salaire de vendeuse. Je n’ai pas pu payer pendant trois mois mes créances, mon loyer etc.
La plupart des travailleurs me fait comprendre que je suis une paresseuse d’être au chômage et de m’être battue pour avoir des sous alors que j’aurai du mettre mon énergie à chercher un travail. C’est ça aussi la vie, on se sent humiliée, plus bas que terre et on ne sait pas comment on va s’en sortir mais on croise quelqu’un pour nous attacher la pierre au pied pour mieux rester au fond de l’eau.

Spoon