mercredi 11 mai 2011

Le parasite

Un politicard, peu importe qui il est, aujourd'hui c'est Wauquiez (*), hier c’était un autre (Boutin ? je sais plus, les propos ignobles restent, leurs auteurs sont interchangeables), et je te fiche mon billet que demain un autre connard prendra la relève, a sorti une horreur. Bon, d'accord, un autre politicard a encore sorti une horreur, jusque là pas de quoi s'estourbir, rien de plus régulier, il se passent les bons mots comme des relais, pour disperser la colère, la délayer dans un grand bol d'eau croupie, puant les égouts. Mais pour moi c'est toujours la même personne qui dégueule par sa bouche.
Ce ministre, fort de sa position qu'il estime sans doute plus louable, a donc dit, le 8 mai 2011, reprenant le flambeau nauséabond de ses prédécesseurs confortablement assis sur les millions des prolos, attention je cite, ne vomissez pas votre chicorée :
“Quelle est, pour moi, la principale injustice dans notre pays ? C'est que celui qui travaille n'ait pas un véritable écart avec celui qui bénéficie des minima sociaux (...) Cette situation-là est pour moi le cancer de la société française”
WOUAW !
Le mec, sans sourciller, désigne un pauvre bougre qui touche l'aumône de 460 euros sans le “meilleur” des cas comme un kyste purulent qui détruit de l'intérieur le si joli sein de Marianne. Y'a fort à parier que ce mec n'a jamais eu à se creuser la tête pour savoir comment il allait bouffer dès le 10 du mois, quelle poubelle il allait faire, comment il allait pointer à la soupe populaire sans honte, bref, je vais pas vous faire un dessin, on se demande si c'est pas la poêle qui se fout du chaudron, par hasard. Je ne vais pas faire un laïus sur comment on vit avec si peu, y'a qu'à faire tourner sa machine à penser deux minutes et t'as la réponse. Et en face, un bon gars, que nous désignerons comme tel parce qu'il prend la défense de l'opprimé, et qu'il en est convaincu, oui, c'est “la gauche” qui s'exprime par la voix de Martine Aubry, je cite :
«Dire que les gens qui vivent du RSA sont des gens qui ont les bras ballants qui attendent et sont très heureux de vivre de l'assistance, c'est vraiment ne rien connaître à la réalité des choses»
Ho bah c'est vachement sympa, me direz vous, parce que vous même vous êtes bons. Sauf qu'elle se fout tout autant de votre gueule. Parce que je veux bien qu'on me coupe un putain de bras si Martine Aubry et ses copains de la soi disant gauche, a l'once de l'ombre d'un ongle de l'idée de ce que vit un mec au RSA. J'ai autant envie de plastiquer Aubry que Wauquiez, parce que ni l'un, ni l'autre, ni personne dans la classe dirigeante, ne saura jamais ce que c'est que de vivre avec 460 euros par mois en 2011.

Et on oublie, aussi, que c'est cette même gauche, par le biais de Rocard, qui a mis en place le RMI. Le RMI, c'est quand même le meilleur bâillon qui ait jamais été inventé, le meilleur pare-révolte du monde. On te fait l'aumône, comme ça tu n'iras pas gueuler, bien trop terrorisé à l’idée de perdre si peu, ce si peu qui te loge (parfois), te nourrit (des nouilles), et surtout plonge tout le reste de la population dans la crainte d'être déchu, d'être relégué dans cette sous caste et de subir l'opprobre. Le RMI n'a jamais été une bonne chose.

Mais au delà de ce qu'est cette réalité, de vivre comme un chien, de bidouiller du lever au coucher, vivre sans travailler est un droit, bordel. On désigne ce parasite comme une plaie, et jamais on ira demander aux politicards pourquoi ils ne se rendent pas à l'assemblée quand ils en ont le devoir et sont grassement payés pour ça (ya qu'à voir les graphiques, vachement parlants, tiens prenons Wauquiez quand il était député : pas UNE seule présence, il n'est intervenu sur AUCUN dossier, et a pourtant touché sa paye. Ha. bon OK il n'a été député qu'un mois, mais ça lui ouvre les droits à une retraite confortable, que vous, vous n'aurez jamais, puisqu'il faut que vous vous sacrifiiez), et que aucune amende n'est appliquée, comme le droit français l'exige, en cas d'absence. Mais je vais pas pinailler sur le droit français, ou la démocratie (ahah !), je les vomis comme tout le reste, mais tout de même, y'a des coups de pied au cul qui se perdent.

Non, le parasite n'est pas celui qu'on désigne, mon bon, ne te trompe pas de cible. Le politicard, comme j'ai pu l'entendre, ne sacrifie pas sa vie pour le bon populo (j'ai même entendu dire que “après tout il se sacrifie, c'est normal qu'il touche des pots de vin”), le politicard profite de sa position pour se faire du gras sur le dos des pauvres pour l'hiver prochain.  On désigne le “bénéficiaire” (pouah !) de minima sociaux comme parasite, parce qu'on croit que le mec qui touche du chomedu préfèrerait que l'autre touche moins, plutôt que lui touche plus. Étonnant mécanisme du mec dans la merde : y'a que les cloduques qui proposent ce qu'ils ont trouvé dans les poubelles aux autres cloches avant de se servir. 

Le droit de passer sa vie sans travailler, voilà le dernier vrai tabou du capitalisme. Quoi, s'offusque t-on, un mec pauvre qui n'a pas envie de bosser ! Bon, c'est vrai, on ira pas compter les héritiers de L'oréal dans le tas : eux sont vautrés sur l'or nazi depuis des générations et font tourner le monde sans lever le petit doigt, on estime donc qu'ils ne parasitent rien, et on leur fait même des beaux cadeaux à la taille de leur gloutonnerie. Non, l'ennemi intérieur, c'est le pauvre.

Et si le pauvre émet l'idée de ne pas vouloir trimer, alors là, on crie au scandale, parce que le pauvre suce les honnêtes travailleurs à rien foutre. Je n'ai pas retrouvé les chiffres (j'ai retrouvé que ça), mais croyez moi, le RSA comme le RMI, c'est rien du tout dans le budget. On ne désignera pas les dépenses des dirigeants comme une charge, et pourtant elle autrement plus pachydermique, pour des gens qui n'en branlent pas une. Je dis rien foutre, mais c'est même pas ça... Y'a qu'à voir Attention Danger Travail”, pour se rendre compte que ces “parasites” sont très actifs, mais certes, ne rapportent pas un kopeck  à leurs dirigeants. C'est pas le fait de rien foutre, qui les emmerde, c'est le fait qu'ils les engraissent pas avec leurs activités, et qu'ils remettent en question le système qu'ils subissent, et ça fait une une sacrée différence)

Et tout ça m'amène, encore une fois, à citer mon chéri, Émile Pouget, dans le Père Peinard de 1894 (“Jabotage entre bibi et un fiston) :

Y a deux systèmes. Je vas, par un exemple, te donner à choisir : figure-toi que la société est seulement composée de vingt personnes, ayant toutes un métier utile. Malheureusement, sur les vingt, y a un feignant qui refuse de travailler et qui veut vivre aux crochets des copains. Les 19 autres groument, nom d'une pipe ! Après bien des discussions, ils décident de couper les vivres au mec et, pour l'empêcher de rien barbotter, ils choisissent le plus grand, le plus fort et le plus bête d'entre eux, qu'ils bombardent gendarme.
Un beau soir, le pandore paume le feignant sur le tas, en train de tordre le cou à une poule ; il le passe un brin à tabac et l'amène aux camaros.
Qu'en foutre ? Si on le relâche, il s'en retournera chopper les poules. Après bien des hésitations, on décide de le foutre à l'ombre.
Mais où ? Faut une prison ! Pour ça, on délègue le maçon et le serrurier qui, pendant quelques semaines, lâchent leur turbin utile pour édifier cette saloperie appelée «prison».
On y enfourne le feignasse.
A ce moment, un remords germe dans le siphon des 19 : «Avons-nous le droit de priver ce coco de sa liberté ?»
Après s'être bien chamaillés, s'être foutus des gnons sur le gnasse, ils accouchent d'une constitution. Comme ils sont très démoc-soc, ils organisent la législation directe du peuple par le peuple, avec referendum et tout le bazar ! Une salade qui, pour ne pas être russe, n'en est pas moins infecte.
Maintenant, y a pas erreur ! On a le droit de mettre le feignasse au clou, à condition qu'un jugeur le condamne.
Faut donc décrocher un jugeur ! On donne cette corvée au plus salaud des 19.
Enfin, ça y est, le feignant est au ballon ! Mais, comme il la trouve mauvaise, il a fallu lui coller un gardien. On a choisi pour ça, - toujours sur les 19 ! — le plus sournois de la bande.
Récapitulons : pour se garer d'un flemmard, mes 19 andouilles sont donc arrivés à nourrir à rien foutre :
Primo, un gendarme,
Deuxièmo, un jugeur,
Troisièmo, un gaffe,

Quatrièmo, pendant un sacré temps, le serrurier et le maçon ont eu un tintouin du diable pour bâtir la prison, — tandis qu'ils laissaient les turnes des bons bougres se délabrer.
Cinquièmo, le plus gondolant, c'est que mes 19 loufoques nourrissent tout de même leur feignant : faut qu'il bouffe, au clou !...
Voilà, fiston, ce qui se passe en grand dans la vache de société actuelle. Pour ne pas nourrir une flemme, on en nourrit quatre !
Dans une société anarchote, on manœuvrera autrement : s'étant rendu compte qu'il est plus onéreux de foutre un salopiaud au clou, que de le laisser vagabonder, on se résignerait à le nourrir... en le méprisant.
Or, pour supporter le mépris de tous, faut une sacrée dose de caractère, incompatible le plus souvent avec la flemmenza. Le feignant serait vite dégoûté de son innoccupation et bricolerait.
En tout cas, il se produirait quéque chose d'approchant à ce que nous voyons dans la société actuelle : le métier de mouchard et celui de maquereau font vivre leur homme sans rien foutre. Pourtant y a pas épais de types qui en pincent, — et ceux-là mêmes, n'avouent pas leur sale profession... ils s'en cachent, craignant le mépris.
Ceci dit, petiot, entre les deux systèmes, celui de la répression des feignants ou le fourbi anarcho, lequel te botte ? ”
C'est encore le foutoir, ce texte, ça sort comme ça. Mais vous m'aurez comprise.

Dahlia

(*) Wauquiez, qui, collé à Frédéric Mitterand, s'était rendu au FIBD cette année pour frimer dans les cocktails en bramant que la bédé c'est cool, sans se demander comment vivaient les auteurs, dont une bonne bonne partie survit grâce au RSA.