S'il y a bien un concept auquel j'adhère, c'est celui de travailler moins. Partage des richesse ! Partage du temps de travail ! Comme on dit dans les manifs. Ça ferait bosser tout le monde, moins et pour le même résultat.
Voilà le concept, simple à saisir, tout beau tout frais. Je parle pas de révolution, notez, c'est pas que j'en aie pas envie mais c'est pas le sujet. Tout cela est bien au contraire très compatible avec le capitalisme. Le « débridé », et le « à la papa ». J'irais même jusqu'à dire que je vais en intéresser quelques uns de ceux qui viennent buller sur le Salaire de la Peur avec l'oeil méprisant de la classe dominante pour des agités pénibles et irrécupérables. Restez en ligne, ça risque de vous donner des idées.
On posera comme présupposé l'envie de se consacrer moins à la servitude du salariat, et plus à la construction de sa propre vie – présupposé utopique s'il en est, et qui nécessiterait à lui seul beaucoup de discussions. Parlons tomates. Supposons que l'individu lambda veuille plus de temps pour les biner mieux.
Alors évidemment, pour passer le test il faut remplir certaines conditions.
Avoir un salaire suffisant pour pouvoir s'en amputer d'une bonne partie n'est pas des moindres, surtout pour les 15% de salariés au SMIC tout cru, qui ne sont pas tous des jeunes sans gros besoins, mais aussi des gens plus âgés, endettés, qui portent la charge d'une famille, etc...
Ensuite, il faut se dénicher des bonnes raisons pour faire sa demande. Par là, j'entends toutes autres que “Je veux plus construire ma propre vie” ou “Je veux deux rangs de haricots à côté de mes tomates”.
Pour les femmes, c'est facile : j'ai des enfants, je veux faire un enfant, je dois garder des enfants, etc... Ça passe comme sur des roulettes. Pour les hommes, creusez-vous un peu le ciboulot, il faut quelque chose genre je me prépare pour faire l'ascension de l'Everest en hiver seul et sans oxygène, un raid 4x4 dans le désert, je fais des compétitions de surf... Quelque chose en quoi l'équipe dirigeante saura se reconnaître, sans pour autant trahir la véritable raison qui vous motive : moins voir leurs costards de merde, moins entendre votre réveil.
Et alors, après ? Après, on le fait. Après, on surmonte sa peur viscérale des portes en verre, on va toquer fermement et on pose avec assurance sa demande sur le bureau.
Dans ma boîte, plutôt jeune et souple, ça a marché pour les 80%. Et aussi pour les 60%. Je ne m'étendrai pas sur les multiples bienfaits de cette situation sur ma qualité de vie et mon jeu de guitare, qui n'est maintenant pas sans évoquer Paco de Lucia boeufant avec Celso Machado, pour sûr. Je passerai sur l'inquiétude de ma mère, le regard désapprobateur de ma boulangère et voisine qui, elle, se lève à 4 heures six jours par semaine, pour me faire du bon pain frais - je ne lui en demande pourtant pas tant. Et bien sûr, sur l'attention permanente pour ne pas dépenser inutilement.
Ce sur quoi je veux m'étendre, c'est sur les conséquences inattendues et qui ne profitent pas au même camp.
D'abord, et c'était prévisible, personne n'a évidemment été embauché en complément. Aucun partage du temps de travail, donc, mais plutôt un tartinage de la tâche supplémentaire sur des tartines déjà bien lourdes.
Pour ce qui est du partage des richesse, là encore, on repassera car déjà qu'on m'a accordé cette énorme faveur d'être à 60%, faudrait pas non plus que je pense à être augmentée avant une bonne dizaine d'années.
Ensuite, mes propres journées de travail... S'en sont retrouvées intensifiées. Pas de répit; quand on a raté un épisode de l'éternelle série à rebondissements de ma vie de bureau, il faut rattrapper! Alors on y va, on turbine, encore plus qu'avant quand c'était déjà dur à suivre. Pour comprendre les tenants et aboutissants, le pourquoi et le comment, de chacun des emails sans réponse et de chacun des messages pressants.
Oui, car le travailleur à temps partiel (TPP) se sent coupable. Même si en échange de ses deux grasses matinées supplémentaires, il met maintenant de la margarine au lieu du beurre sur ses tartines. Et il peut, car son absence, c'est un manque à gagner pour l'employeur. Qui lui fait bien sentir. En conséquence de quoi, le TPP est plus rentable qu'avant. Il se donne plus, il est plus frais et plus motivé, il a mangé des vitamines dans ses bonnes fraises du jardin. Et le jour du coup de bourre vraiment affreux (vraiment affreux car la vie EST un éternel coup de bourre), rien n'empêche de le faire venir un jour de repos, payé en heures complémentaires, et non supplémentaires (non majorées, donc. Et encore, faut demander!)
Y'a donc pas longtemps à hésiter. Ami patron, lance-toi dans le temps partiel. Certains l'ont déjà bien compris, dans la grande distribution et le ménage par exemple. Il n'y a que des avantages pour toi.
Le travailleur, lui, se fera entuber ENCORE PLUS, mais pendant moins longtemps, certes.
C'est là tout le choix qu'on a en 2011.
Bon, pour la révolution, on en reparle.
Héroïne en CDI