Après
avoir travaillé pendant plus de 15 ans dans divers postes dans les
Ressources Humaines, dans des entreprises à tailles diverses (de
quelques milliers à près de 100 000), pour lesquelles je me suis occupé
de recrutement, de formation, de Développement des Compétences et même
de Développement des Ressources humaines, c'est-à-dire d'aider les
salariés à développer leurs connaissances, leur maîtrise de leur
travail, certes pour le plus grand bien de la rentabilité de
l'entreprise - mais bah, du moment que l'on développe
ses connaissances, ce n'est jamais perdu et l'entreprise est un milieu
tellement acculturant n'est-ce pas avec son verbiage anglicisant, ses
acronymes, tout ça tout ça - bref, pendant toutes années à tenter de
convaincre les décideurs (ceux qui paient) que l'on peut traiter SES (?)
salariés comme autrui, je me suis rendu compte que j'étais du côté
obscur de la force. Nulle complainte ici, je savais où j'étais, ce que
j'y faisais, gagnait très correctement ma vie et tentais d'agir comme un
virus en essayant de convaincre qu'en payant mieux, formant mieux et
considérant mieux autrui on allait pas forcément perdre de la
rentabilité (du fric) ou de la performance (des parts de marché, du
fric)... tout ceci n'a duré que le temps où le marché du travail était
en faveur des salariés.
Le "marché" s'est retourné comme on dit, et là... Exit les
Jedi et welcome back les chiffres servis par les nervis des cabinets d'audit fi !
Pendant
ce temps je grimpais les échelons et touchait de plus près les
décideurs mais là finie la petite musique, bienvenue la nuit.
Après avoir oeuvré encore
quelque temps, j'ai eu aussi ma part de chômage avec fin de droits et
allocations à 400 euros, bien fait, j'étais trop chien dans un jeu de
quilles pour que ça dure, un peu de chômage ça remet les idées et l'ego
en place.
Toujours
lucide mais pas plus désespéré, j'ai eu la chance de passer à autre
chose et à pouvoir me servir de mes quelques connaissances pour tenter
de les transmettre (je sais, l'expérience ne se transmet pas) à ceux qui
en ont le plus besoin, les chômeurs longue durée, ceux à qui tout le
monde pense.
La preuve que tout le monde pense à eux ?
Les années d'étude qui s'allongent avec des "Tanguy" à la maison, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Les êtres abrutis de travail et sans illusion qui acceptent presque tout puisque les traites à payer, c'est quoi sinon la peur
du chômage ?
Les
chiffres serinés à longueur d'antenne qui nous montrent l'écart se
creusant entre les plus riches et les plus pauvres sans susciter plus de
révolte, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Les
discours "clivants" (je suis curieux de savoir combien de temps ce mot
valise va rester à la mode) entre ceux qui travaillent et ceux qui sont
assistés, c'est quoi sinon la peur du chômage ?
Au total, cela fait un gros paquet de monde réunit autour d'une même peur, ne trouvez-vous pas ?
Ce qui est pratique avec la peur, c'est que l'on peut la voir sous deux aspects : celle qui tétanise ou celle qui fait
réagir, comme le stress quoi.
Le
tout est de savoir si on veut être un lapin dans les phares d'une
voiture ou si on veut être un homo-sapiens qui réagit devant le tigre à
dents de sabre.
L'intérêt de mon témoignage ?
A chacun de voir mais aujourd'hui,
je constate que nous sommes un pays riche, très riche, que des
dispositifs, des associations, des administrations, des sociétés
spécialisées dans le coaching, l'outplacement, le remodeling (ne riez
pas c'est sérieux et moderne puisque c'est en anglais) opèrent tous
azimuts et... ben plouf ! Raté !
Le
taux de chômage augmente, toutes catégories confondues (record
cependant pour les plus de 60 ans, ben oui, l'allongement de la
retraite, ça sert bien à faire durer le chômage en RSA plutôt qu'une
retraite taux plein hors de prix, non ?).
Tous
ces éléments concourent à maintenir une pression sur les salaires (ben
oui un chinois ça gagne 2,5€ par jour tandis qu'on est à 9,40€ de
l'heure donc il faut bien baisser tout ça pour être compétitif face aux
chinois, non ?), et à tabasser les esprits à coup de logique financière
et surtout qu'on y peut rien, c'est mondial on vous dit !
Est-ce tout ce que nous désirons, valons, voulons, pouvons ?
Pas
plus que toutes le petites fourmis de Pôle Emploi, des PLIE, des assocs
et tous ces collègues je ne lâche la rampe... Mais comment dire ?
Réveillez-vous !
Anonyme
Anonyme